La trêve à moi réclamée par un ami sur facebook, s’agissant des réflexions que m’inspirait la disparition de MANDELA, a pris fin et me voilà au clavier claudiquant de mon ordinateur portable à reprendre mes analyses là où je les avais laissées. Comme beaucoup de panafricanistes qui ne transigent pas avec la désaliénation totale du continent et qui, de façon naturelle ne tiennent pas en très haute estime tous ceux qui veulent nous maintenir dans les fers de la mollesse intellectuelle, j’ai vigoureusement dénoncé cette hypocrisie à la source de laquelle s’abreuvaient les hommages à lui rendus par l’occident. Pourquoi notre héros continental est-il subitement devenu le leur ? Pourquoi certains d’entre nous se sont mis à hurler avec les loups ? Par quel tour de magie sont-ils devenus plus amants de MANDELA que nous-mêmes ? Par quelle alchimie le démon fait homme qu’il était, est-il aujourd’hui revêtu de la tunique d’un ange digne de siéger à la droite du Père ? Ne faisant rien en vain, cet empressement de l’occident à canoniser hic et nunc MADIBA nous parait irrémédiablement suspect.
Que retenir finalement de lui si ce n’est qu’il fut une lumière qui doit éclairer le chemin de tous les quêteurs de liberté ? Comme dans toute dualité, la lumière est intimement liée à son autre qu’elle projette nécessairement: l’ombre. C’est cette ombre de l’œuvre de MADIBA qui, mêlée a la lumière qu’elle dégage, donne un reflet clair-obscur a son action et qu’on enfouit consciemment ou inconsciemment peut-être dans les tréfonds de notre mémoire collective parce que risquant d’écorner gravement son image, que nous avons décidé de mettre en lumière. Peut-être qu’en ce moment là, on comprendrait aisément qu’on ne célèbre pas tous MANDELA pour les mêmes raisons ou encore qu’on ne rend pas hommage au même MANDELA.
Cette partie obscure de l’œuvre de l’homme est mise en évidence par l’incommensurabilité des acquis de la communauté noire d’avec ceux de la population blanche au sortir des négociations qui ont présidé à la libération de MANDELA et à la liquidation de l’apartheid. Schématisons les choses. Ce que MADIBA a obtenu dans ces négociations, c’est un bulletin de vote, un drapeau bigarré et un hymne. L’oppresseur quant à lui a gagné l’impunité, et la conservation des privilèges économiques illégitimement acquis. En un mot comme en mille, ce contrat peut se résumer en une seule clause: « Je t’accorde la liberté politique si et seulement si je conserve le pouvoir économique ». La signature d’un tel contrat, introduit un schisme dans les idéaux de l’A.N.C tels que portées par son manifeste et pire, rentre en contradiction avec lui en ceci qu’il lie intimement la liberté politique a la souveraineté économique.
Sur la base de ce contrat qui en droit, devrait être frappé du sceau de la nullité parce que lésant une partie contractante, MANDELA sur les conseils qui ressemblaient fort à des injonctions de l’occident, organisa l’une des pires comédies du siècle: la réconciliation sans la justice. On garantît de ce fait une impunité douillette aux meurtriers de STEVE BIKO, SAMORA MACHEL, des écoliers de Sharpeville et de milliers d’anonymes de sud-africains. On ne poursuivît aucunement ceux qui ont armé ce régime anthropophage au premier desquels se trouve la France qui pourtant avait proclamé depuis 1789 que « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits ». Si la réconciliation était dissociable de la justice et qu’elle la révulsait, pourquoi alors ceux qui l’ont inspirée à MANDELA ne sont-ils pas tombés, au sortir de la Seconde guerre Mondiale, dans les bras des nazis et ne les ont pas donnés en époux à leurs filles ? J’oubliais qu’on était en Afrique et qu’ici, par des tours dignes de l’enchanteur Merlin, l’impossible devient possible et l’inadmissible peut être admis comme ce fut le cas avec le volet économique de ces négociations.
En fait de négociations dans ce domaine, il n’y en a jamais eu. Ce à quoi Mandela a donné son aval, c’est un blanc-seing à la conservation des privilèges acquis par la force d’hallucinantes expropriations. Ainsi, l’apartheid économique perdure alors que son pendant politique aura vécu. Tous les leviers de l’économie sud-africaine sont encore aux mains de la minorité bourgeoise blanche compradore. Transport, télécommunications, réserves naturelles, agriculture, tout y passe et rien n’a pu être extrait des griffes de la prédation blanche. La redistribution des terres telle que contenue dans le manifeste de l’A.N.C ? Circulez, il n’y a rien à y voir. En dissociant la liberté politique de sa dimension économique, Mandela offrait aux générations futures une liberté brinquebalante car sans assises solides. En respectant scrupuleusement les clauses de ce contrat qu’ils ont inspiré et qui fait la part belle à leurs boers de cousins, Mandela ne pouvait que trouver grâce aux yeux des occidentaux. Circule alors dans nos veines comme une piqûre de rappel et tonne dans nos oreilles si permissives et perméables aux discours soporifiques de l’occident, l’avertissement de SAMORA MACHEL : « Le jour où vous entendrez les blancs dire du bien de moi, ne partagez plus vos secrets avec moi car j’aurais trahi. » Tel me parait le sens de tous ces discours de béatification de MANDELA auxquels nos cavités auditives ont été soumises ces derniers temps. Aurait-il redistribué équitablement les terres arables qu’ils auraient présenté MUGABE auprès de lui comme un ange. Aurait-il poursuivit les criminels et leurs soutiens extérieurs qu’ils auraient exhibé BACHAR EL ASSAD, CASTRO et SADDAM HUSSEIN auprès de lui comme des Saints.
Le MANDELA que l’occident célèbre, c’est celui de 1991 et après, et à peu près identique à HOUPHOUET-BOIGNY d’après 1950. Celui qui fait l’objet de notre adoration, c’est celui d’avant 1991et à peu près semblable à HOUPHOUET d’avant 1950.
Mais pour combien de temps encore ce contrat de dupes régentera la vie des communautés en Afrique du Sud en général et celle de la communauté Noire en particulier ? Déjà dans la vallée, la voix stridente de JULIUS MALEMA se fait entendre et très bientôt la jeunesse acquise à sa cause sonnera l’hallali.
Une contribution de Romain MOHI