Voici le discours des Wê que Ouattara refuse d’entendre

by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 23 octobre 2012 15 h 10 min

Excellence Monsieur le Président de la République, Nous avons l’honneur de prendre la parole au nom du peuple Wê des régions du Cavally et du Guémon pour vous résumer nos préoccupations. Monsieur le Président, Au mois d’avril dernier, vous avez visité l’Ouest
de notre pays dont les deux régions du Cavally et du Guémon. Vous avez posé quelques actes dans le sens de la restauration de cette région meurtrie par plus de dix années de souffrance. Cinq mois seulement après, vous nous appelez, nous peuple Wê, pour vous enquérir de l’impact de votre visite. C’est la preuve que vous souhaitez vivement la paix dans cette région et naturellement, la paix, dans tout notre pays. Nous ressentons ce geste, vous vous en doutez, comme celui d’un père qui appelle un de ses fils pleurant, pour l’écouter, afin de traiter la cause des pleurs, pour la tranquillité, et de l’enfant, et de toute la famille.
Mille fois merci, Monsieur le Président. Notre constat de la situation des deux régions
Monsieur le Président, Le peuple Wê du Cavally et du Guémon a le sentiment qu’il fait l’objet d’un programme génocidaire et d’extermination systématique. Le peuple Wê a la conviction que ce programme vise son extinction, en termes d’êtres humains et en termes d’entités sociologiques et culturelles de notre pays. Ce programme vise sa disparition du grand groupe Krou, c’est-à-dire, de la liste de la soixantaine d’ethnies qui compose notre population nationale. Et pour cause, Monsieur le Président, depuis le 19 septembre 2002, les deux régions du Cavally et du Guémon enregistrent:_Plus de 30.000 Wê ciblés et tués, par les forces en croisade contre l’ancien régime ; tout le monde se rappelle les 1308 personnes massacrées à Duékoué Carrefour le 29 mars 2011 ; tout le monde se rappelle les 230 tués le 20 juillet 2012 lors du saccage et de l’incendie du camp de déplacés de Nahibly ; tout le monde se rappelle les massacres de Petit Duékoué et de Guitrozon qui ont fait 141 morts ; tous ces chiffres relèvent des sommations faites par le Comité de sauvegarde du patrimoine foncier Wê à partir du comptage et du dénombrement des populations elles-mêmes, famille après famille, village après village, quartier après quartier ;
_ les deux régions enregistrent 15 villages complètement détruits dans le département de Toulepleu, 3 dans le département de Bloléquin, 2 dans la Sous-préfecture de Taï, le quartier Guéré et le quartier Toguéi dans la ville de Duékoué et 8 villages dans le département de Duékoué ;
_ dans les pays voisins, notamment au Libéria, les deux régions enregistrent plus de 200.000 réfugiés sur une population totale de 750.000 âmes, soit environ 27%, ceci au pic de la crise post électorale, c’est-à-dire de mars à juin 2011. Ces populations ont fui les massacres des forces à l’assaut de l’ancien régime ; _les deux régions enregistrent des biens en quantité incommensurable détruits ou pillés, des plantations détruites ou occupées par des hommes en armes ; des valeurs culturelles, dont les mythiques «gla» (appelé communément masque) et «koui » et autres symboles profanés, des familles dispersées au vent, des milliers de handicapés à vie; _les deux régions enregistrent de nombreux chefs de villages et de quartiers, de nombreux élus locaux, dont le Maire de Bloléquin, destitués arbitrairement et remplacés manu militari par de non élus.
Monsieur le Président de la République, les régions du Cavally et du Guémon sont devenues une charogne à la merci de toutes les populations de la sous région, notamment des burkinabè. Amadé Ouérémi et ses centaines d’hommes armés, dans le parc national du Mont Péko, Issiaka Tiendrébéogo dans la région de Taï, Ouédraogo Jean Pierre entre les Sous-préfectures de Diboké et Tinhou, le «Rougeot» dans la forêt classée de Goin Débé, Sana Salifou dans la forêt classée de Scio, Issa Ouédraogo entre les départements de Bloléquin et de Toulepleu, Kouanda Lassane dans la zone de Zagné ; tous ces seigneurs de guerre, par des dizaines et des dizaines de véhicules et de cars venant du Burkina-Faso, organisent le repeuplement des régions du Cavally et du Guémon, abandonnées par les populations autochtones fuyant les exactions et les tueries, et cela, avec la complicité et la protection des Frci et des Dozos. Amadé Ouérémi et ses lieutenants ont dit en août 2011, à un journaliste de Fraternité Matin qui a séjourné à l’Ouest dans le cadre d’un reportage sur les massacres de populations civiles à Duékoué et je cite : «Nous avons combattu aux côtés des forces nouvelles. En récompense, on nous demande de travailler dans les forêts classées jusqu’à ce que le gouvernement nous récompense». (cf. le Nouveau Courrier no 458 du lundi 05 mars 2012). Le recensement de 1998, Monsieur le Président, avait estimé les populations étrangères à environ à 37% dans les deux régions du Cavally et du Guémon contre 26% pour la moyenne nationale. Les exactions quasi quotidiennes des groupes armés entretiennent une atmosphère de terreur qui dissuade les populations autochtones déplacées et réfugiées de retourner dans leurs localités, leurs campements et leurs plantations. Aujourd’hui, les observateurs du mouvement de repeuplement des deux régions estiment la population étrangère à près de 75%. Le village de Zilébli, dans le département de Bloléquin, où il ne reste que 5 rescapés Wè pour 300 nouveaux habitants burkinabè, est symptomatique.
Monsieur le Président, le peuple Wè des régions du Cavally et du Guémon ne comprend pas que l’Etat, dont le premier rôle régalien est la sécurisation de ses populations, laisse des populations étrangères d’une barbarie aussi inqualifiable envahir et occuper tranquillement une partie de ses régions.
Nos propositions Monsieur le Président de la République, pour la paix, dans le cadre d’une zone qui pourrait être déclarée «zone sinistrée», gérée par une Autorité ou un Commissariat, le peuple Wê souhaite:
Dans le domaine de la sécurité
_la sécurisation totale des régions du Cavally et du Guémon en désarmant toutes les personnes qui ne sont pas en droit de porter les armes, en ramenant les Dozos dans leurs sphères géographiques et culturelles, en ramenant les Frci dans les casernes militaires,
-le respect rigoureux des droits humains,
_ la création des brigades de gendarmerie dans tous les chefs-lieux de Sous-préfectures, des peletons et Compagnies dans les chefs lieux de Département et d’Escadrons dans les chefs-lieux de régions,
_la création de Commissariats de Police dans les chefs-lieux de Département, de préfectures
de police et de compagnies républicaines de sécurité dans les chefs-lieux de région ;
Dans le domaine du foncier
_l’application effective à tous de la loi sur le foncier rural, du code forestier, et de la loi sur les parcs et réserves,
_l’expulsion des occupants illicites de toutes les aires protégées, notamment les forêts classées, les parcs et réserves nationaux,
_ la restitution des terres villageoises illégalement occupées aux vraies propriétaires,
_le désarmement de tous ceux qui, sans qualité ni autorisation, détiennent des armes à feu
dans les forêts appartenant à l’Etat ou aux communautés villageoises ;
Dans le domaine de la justice
_ la création d’une commission d’enquête pour les évènements de 2002 à ce jour,
_l’indemnisation des parents des personnes ayant subi des dommages corporels,
_la prise en charges psychologique des populations traumatisées ;
Dans le domaine de la reconstruction
_ un plan d’urgence de reconstruction des infrastructures (réseaux d’électricité et d’eau, routes, ponts), des villages, des campements et des quartiers détruits,
_la réhabilitation et reconstruction des habitations détruites Dans le domaine de la réconciliation
_la remise en place les chefs de villages et structures villageoise destitués et rétablir leur autorité,
_ la libération de tous les détenus et l’arrêt des arrestations intempestives et des exactions à la suite de dénonciations calomnieuses dans les campements, villages et quartiers,
_le retour de tous les déplacés et de tous les exilés,
_le retour des cadres exilés et régulariser leur situation administrative et financière,
_ ne pas assimiler systématiquement les jeunes Wè à des miliciens,
_ régulariser la situation administrative et financière des travailleurs injustement licenciés, des élus, notamment des Députés de la troisième législature, des cadres militaires, des fonctionnaires et agents de l’Etat,
_Prévoir au niveau des deux régions des structures de réinsertion et des emplois et des activités génératrices de revenus aussi bien pour les jeunes que pour les femmes,
_élargir les prisonniers Wè dont la détention est liée aux évènements de la crise post électorale. Monsieur le Président de la République, Le peuple Wè, comme tous les peuples de notre nation, souhaite être protégé par l’Etat dont vous êtes le chef suprême. Aucun peuple de notre nation ne veut disparaitre du fichier des soixante ethnies de notre pays. Le peuple Wè ne veut pas voir ses régions sacrifiées aux intérêts de groupes barbares et de mercenaires venus de l’étranger, encore moins aux intérêts des multinationales. Le peuple Wè ne veut pas non plus de disparition
par dilution dans ses propres régions dans une mer de populations importées d’ailleurs.
Monsieur le Président, la structure à créer approfondira et cordonnera toutes les actions de restauration et de développement de nos régions fortement sinistrées.
Pour conclure, Monsieur le Président de la République, c’est vous seul qui devez conduire les réparations et la reconstruction de toutes les infrastructures, mais aussi et surtout de la superstructure de notre pays. Le ressort de la synthèse culturelle est cassé, Monsieur le
Président. Tant qu’une partie de notre société est brimée par une autre ; tant qu’un Agni ou un
Dida ou un Loby occupera, par la force d’une kalachnikov, le domicile, le campement, la plantation d’un Koyaka ou d’un Ebrié, nous ne retrouverons jamais la paix.
Monsieur le Président de la République, la pollinisation croisée et le télescopage des ethnies pour reprendre les termes de Aimée Césaire, nous voulons dire le brassage de nos soixante
ethnies, de leurs cultures, de leurs philosophies, de leurs croyances, qui constituent le métabolisme de maturation de notre nation, initiées par le père fondateur, le président Félix Houphouët Boigny et encouragées par tous vos prédécesseurs, doit reprendre sa dynamique. Nous devons reprendre, impérativement, sous votre impulsion, notre route vers la synthèse culturelle, le modus vivendi qui fondait la paix, la cohésion sociale et le bon vivre dans notre pays.
Monsieur le Président de la République, nous vous remercions.

ivoiriens de l'étranger [1]

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