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Me Hermann Yaméogo : «Décider de notre souveraineté à Bruxelles ou Washington… est humiliant»

Me hermann yameogo
Me hermann yameogo

Comment jugez-vous la position prise par la communauté internationale dans le dossier ivoirien ?

En tant qu’Africain, je la juge humiliante. Au moment même où nous fêtons le cinquantenaire de nos indépendances, je ne me fais pas à l’idée que nous en soyons encore à tolérer que l’on décide de notre souveraineté à New Delhi, Bruxelles ou Washington, que passant outre nos Constitutions, nos Institutions régionales, notre dignité, on y reste pour donner des ultimatum à des chefs d’Etat africains d’obéir à des diktats internationaux sous peine d’être sanctionnés.

En tant que juriste, patriote de la cause africaine et opposant, je remets en cause les pouvoirs que s’arroge la «communauté internationale» dans une espèce d’acceptation béate générale, après, il est vrai, une savante action d’endormissement venant du monde diplomatique et médiatique complice qui fait illusion à bien d’intellectuels. Cette «communauté internationale» si tonitruante n’est qu’un concept, non une réalité juridique pouvant ester en justice es-nom ou es-qualité. Elle ne bénéfice d’aucun transfert de compétences supranationales l’autorisant à légitimer un scrutin en lieu et place d’un peuple souverain. Même les Nations unies, édifiées sur une Charte, n’ont pas ce pouvoir.

Et cet empêchement dirimant est attesté par son article 2, par une décision jurisprudentielle de la Cour internationale de justice relative à l’affaire Nicaragua et qui a interdit le recours à la force comme règle impérative du droit international suite à l’invasion de la Grenade par les Usa en 1983. Il est battu en brèche par l’Assemblée générale des Nations unies qui, préparant la 54e Session, est revenue sur cette primauté de la souveraineté nationale en ces termes : «L’assistance électorale apportée aux États membres par l’Organisation des Nations unies ne doit l’être qu’à la demande et avec le consentement des États souverains concernés, dans le strict respect des principes de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États». Cette interdiction de l’Onu de porter atteinte à la souveraineté des Etats est enfin incidemment rappelée au travers de chaque Résolution concernant la Côte d’Ivoire dans la crise que traverse ce pays.

Je trouve tout à fait condamnable que l’on puisse ainsi porter atteinte à cette protection, à ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, surtout lorsque le prix à payer en est des massacres, un avilissement de la règle de droit de la part de puissances mondiales qui se présentent comme des parangons de vertu démocratique. Des puissances à la moralité souvent douteuse qui s’arrogent le droit d’instrumentaliser la Cour pénale internationale dans laquelle on fondait tant d’espoir d’asseoir un ordre public international réel.

Quelle est la solution d’après vous ?

Si on ne prend pas un peu de distance par rapport à ce dossier, on a vite fait, par peur, calcul, naïveté, de se perdre dans des contradictions, de se mettre à hurler avec les loups, jugeant la vague de la réaction internationale irrépressible. C’est l’erreur à ne pas commettre puisque par là-même, on se rend complice de la violation du droit international public, des droits d’un peuple frère et ce, par des puissances en décadence qui rêvent de redorer leur lustre passé en offrant à leurs appétits voraces les richesses d’un pays pourvu en matières premières, en offres de marchés, de services…

C’est un jugement plutôt court qui pousse à courir au secours de ce qu’on pense être la victoire quand on s’imagine que l’option de l’intervention armée peut finalement amener la communauté internationale à engager la guerre en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas dans le mandat des Nations unies de faire la guerre aux Etats membres et quand bien même, elles décideraient de la faire à la Côte d’Ivoire, elles pourraient se trouver devant des situations qu’elles ont connues aux Liban, en Somalie ou en Rdc. Le peuple ivoirien est un peuple aguerri qui a une juste cause à défendre et qui a montré qu’il pouvait faire reculer jusqu’aux plus grandes armées de ce monde par son intelligence, sa ténacité, son patriotisme.

Comment ne pas être d’accord avec lui quand il estime que le président de la Cei n’était nullement habilité à déclarer à la dérobée un vainqueur dans un hôtel, quand on sait que le désaccord avait été constaté au sein de la CEI par rapport aux résultats du scrutin et que le délai imparti à cette dernière avait expiré ? Au lieu, comme il se devait, de constater ce litige en dressant un Procès-verbal de carence relativement à 4 régions sur 19, le Président de la Cei a préféré de façon unilatérale, sans être entouré de tous les commissaires, proclamer un vainqueur. On ne peut pas davantage accepter qu’alors que chaque candidat avait signé un document par lequel il prenait l’engagement de respecter la décision de la Cei et du Conseil constitutionnel le 27 novembre 2010, l’un d’entre eux renie sa signature.

La solution, c’est le dialogue. Il peut venir de plusieurs directions. D’abord, des parties ivoiriennes elles-mêmes, assistées éventuellement de bonnes volontés africaines. Celles-ci peuvent s’asseoir autour d’une table pour discuter au lieu d’engager leur pays dans une nouvelle guerre fratricide. Je reste persuadé que dans cette option, le Président Henri Konan Bédié pourrait avoir une partition capitale à jouer.

L’offre du dialogue peut aussi venir du Burkina Faso. De tous les pays africains voisins de la Côte d’Ivoire, nous sommes à plus d’un titre, les plus concernés. En raison de l’histoire récente, en raison de la forte présence de ressortissants burkinabé en Côte d’Ivoire, en raison de nos liens historiques, économiques, familiaux…, en raison de l’Apo qu’il ne serait pas honorable pour nous de voir rangé au rang des échecs, Blaise Compaoré doit garder la main.

L’Union africaine peut enfin être à l’origine d’une initiative de dialogue et elle ne ferait là que remplir une de ses missions. Ne soyons pas du mauvais côté de l’Histoire !
Aujourd’hui, la honte suprême que je vois pour les Africains, ce serait demain d’apparaître comme ceux qui ont pris fait et cause contre un frère africain demandeur de solidarité qui est pourtant dans son juste droit. Il est vrai qu’un tel choix, par les temps qui courent, n’est pas évident en raison des risques encourus mais c’est maintenant qu’une telle option a de la valeur parce qu’elle se prend à l’épreuve du courage.

Votre sentiment après la décision de Laurent Gbagbo de demander le départ de l’Onuci et de la Licorne

Après l’ultimatum de Bruxelles, dernier en date par lequel Laurent Gbagbo s’est vu accorder un délai de deux jours pour faire ses malles, il fallait s’attendre à une réaction en surdose de l’homme de Mama. Elle est venue sous la forme d’une demande de départ des forces de ’Onuci et de la Licorne. Si le premier ultimatum a choqué au-delà de nombre d’Ivoiriens, bien d’Africains (qui n’acceptent pas, même lorsqu’ils ne sont pas toujours d’accord avec Laurent Gbagbo, de telles injonctions venant de l’étranger), le second est plutôt bien perçu comme étant un sursaut de cet imbroglio, voulu et cultivé de l’extérieur, n’apporte des complications à l’Union européenne et un surcroît de discrédit aux Nations unies.

Ce qu’il faut craindre aussi, c’est qu’à la faveur de cette folle enchère, nos Institutions sous-régionales ne soient mises à mal car rien n’interdit au pouvoir ivoirien, dont certains de ses dirigeants du reste en font la demande depuis bien longtemps, de donner congé à certaines de ces Institutions comme La Bceao.

Si des décisions du genre ont été pleinement assumées sans conséquences par des pays moins pourvus que la Côte d’Ivoire, ce n’est pas cette dernière qui, en franchissant le rubicond, pourrait être rayée de la carte. Par contre, pour les pays de l’hinterland, ça sera plus que « caillou » de faire face à une telle situation. Mais fort heureusement, il y a comme un espoir de reprise en main de cette affaire par les Africains eux-mêmes. Cette normalisation, qui douche quelque peu l’empressement de certains pays riches à régler en ultime recours une affaire dans laquelle ils n’ont pas compétence, se traduit dans la réponse cinglante de Jean Ping, président de l’Union africaine. A la question suivante posée par un journaliste («L’Union africaine a-t-elle demandé le départ du Président Laurent Gbagbo? »), Jean Ping répond, comme tombant des nues et tout à fait affirmatif : «Quoi ? L’Union africaine n’a jamais demandé le départ du Président Gbagbo. Allez relire et revenez me voir». Voilà qui est réhabilitant pour l’Afrique.

Pourvu que la tendance ne soit pas inversée car il faut prévoir que les grandes puissances, qui jouent gros, ne s’endormiront pas sur leurs lauriers ! Mais on peut relever que par le fait de cette décision concernant l’Onuci et la Licorne par les autorités ivoiriennes, on se retrouve devant un face-à-face qui oppose maintenant la Côte d’Ivoire à une coalition des forces extérieures. Ça en rajoute à la victimisation du pays et à l’héroïsme de son combat. En même temps, l’Afrique joue ici, via le martyr ivoirien, une page importante de l’histoire du parachèvement de la décolonisation.

In SanFinna

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