L’urgente nécessité d’une quiétude sociale en Côte d’Ivoire

by Contribution | 12 novembre 2010 12 h 12 min

Ahua Blaise
Ahua Blaise

Tout en me réjouissant de la réussite exemplaire du déroulement du scrutin relatif à l’élection de notre futur président de la République, je me propose de vous épancher ce vœu qui m’anime au sujet de ce qui me parait primordial pour le vivre-ensemble, et pour le développement de notre pays, dans ce contexte de campagne électorale.

Le premier tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, profondément redoutée, s’est bien déroulé. La population y a pris part de manière remarquable : plus de 80% de votants, un scrutin marqué par la discipline, qui a abouti à des résultats fiables. Un scrutin dont la caractéristique peut-être aujourd’hui qualifiée d’exceptionnelle en Afrique. Les Ivoiriens ont pour ce premier tour montré ce dont ils sont positivement capables. Cependant ces résultats sont, pour beaucoup d’Ivoiriens et d’observateurs étrangers, révélateurs d’un sérieux malaise social qui mérite d’être courageusement traité, dans le respect des uns et des autres, et pour cause !

Une avancée démocratique…

Pour ces Ivoiriens qui sont avides de Démocratie, le résultat de cette élection présidentielle – maintes fois repoussée – constitue une avancée démocratique d’autant plus que le positionnement des trois grands partis politiques que sont le Fpi, le Rdr, le Pdci, dont les candidats ont respectivement récolté 38%, 32% et 25% des suffrages exprimés, s’avère net. On peut en déduire que le temps du monopole d’un ou de deux partis sur l’échiquier politique est révolu. On peut être amené à dire que désormais, il ne serait plus aussi aisé pour quelque parti, quel que soit l’avantage qu’il aurait d’être au pouvoir, de se tailler la part du lion dans une élection ivoirienne. Les bienfaits de ce positionnement sont multiples : en prenant note de cette réalité les responsables de chacun de ces partis politiques se voient obligés de prendre conscience du poids des deux autres, et de ce fait réalisent l’attitude qu’ils doivent adopter envers l’électorat ivoirien dans son ensemble.

Cependant, au-delà de cet aspect positif du résultat de cette élection présidentielle, il faut tout de même implorer cette autre réalité qui est généralement propre – aujourd’hui – aux enjeux électoraux en Afrique : le vote ethnique !

Ce vote ethnique…

La configuration géographique du résultat de cette élection présidentielle suscite des interrogations. Les scores électoraux, caractérisés par un soutien massif, dogmatique, légendaire, émoussent quelque peu la satisfaction de ces nombreux Ivoiriens, avides de démocratie : le Rdr au Nord, le Pdci dans le V Baoulé, le Fpi à l’Ouest et soutenu par l’Est. Même s’ils ne devraient pas en être surpris, en réalité, ces Ivoiriens sont pertinemment conscients de l’éclat terne de ce beau résultat, qui montre tout clairement le chemin encore à parcourir, non seulement au niveau purement démocratique mais surtout à celui de l’unité nationale. Sans conteste, beaucoup ont encore en mémoire l’impact sérieux des agissements nuisibles des hommes politiques sur ce que nombre d’Ivoiriens considèrent comme primordial à la Réussite de tout projet national, de développement, de liberté entre Ivoiriens d’une part et entre ceux-là et leurs pairs originaires d’autres pays vivant sur le sol ivoirien : la dictature plus ou moins manifeste des hommes au pouvoir, l’abominable concept d’ivoirité qui a divisé le peuple ivoirien, la violence sous toutes ses formes, les intentions et attitudes subversives, les coups d’Etat.

La configuration géographique de ce résultat révèle tout simplement que le socle social sur lequel repose le pays, et dont les fils ont besoin pour construire une nouvelle Côte d’Ivoire, afin de créer les conditions propices pour faire valoir leurs potentielles compétences ou leurs dons, se trouve profondément cicatrisé.

Pour quiconque accorde une primauté à la quiétude sociale, parce que condition sine qua non à la réalisation de tout projet de quelque nature que ce soit, une question se pose :

Quel est le degré de conscience de cette réalité précaire sociale chez ceux qui seront appelés à gouverner notre pays ?

Que proposent concrètement les candidats retenus pour le deuxième tour de l’élection présidentielle comme solution à cette situation sociale précaire dans lequel baignent les Ivoiriens ?

Voilà ce qui me parait de prime abord indispensable dans ce contexte délétère social, il faut le dire.

Ce qui me tient avant tout à cœur…

Mainte fois, je me suis attelé à chercher à savoir pourquoi un homme, quelque intelligent qu’il soit, peut être amené à opter pour la violence, comme moyen de règlement à un problème donné, jugé inadmissible. Dans mes médiations et mes lectures, j’en suis arrivé à la conclusion que même si certaines conditions peuvent en être les motivations, ce recours est résolument dévastateur. Il reste, de ce fait, qu’il faille justement user de son intelligence et ses compétences pour en venir à bout de ce problème. En effet, l’intelligence et la compétence supposent un certain nombre de choses dans tout projet : stratégie positive et efficace, moyens rationnels, organisation adéquate, discipline exemplaire, objectifs raisonnables, prise en compte des attentes de l’ensemble de la population ou des contraintes de la cible visée. Car, comme on le sait : la violence appelle la violence, et personne ne peut prétendre être partout et tout le temps le plus violent, surtout là on vit ou là où on envisage vivre. Et pourtant la quiétude sociale dont il est ici question a fait ses preuves. L’Europe, le continent qui a mené les guerres les plus atroces au monde – par deux fois – s’avère aujourd’hui le plus stable et constitue pour beaucoup d’Africains l’Eldorado. Nous, Ivoiriens (de toutes origines), avons besoin avant tout d’une quiétude sociale pour permettre de régler fraternellement nos différends, pour créer les conditions d’épanouissement de tous ceux qui vivent sur le sol ivoirien.

ivoiriens de l'étranger [1]

Nous venons de donner les preuves des atouts de la discipline au cours du scrutin présidentiel, ce qui nous conduit au deuxième tour, auquel chaque camp s’active actuellement. C’est pour cela qu’il importe que le prochain président ne se comporte pas en fumiste, en pantin devant ses pairs, mais qu’il ait plutôt des qualités de se comporter en Chef d’Etat responsable, car les pays africains ont besoin de se libérer eux-mêmes, de compter sur eux-mêmes avec un Chef pour qui cet idéal occupe une place de choix dans notre bataille pour le développement et l’émancipation du peuple, et ce dans un vivre-ensemble en parfaite harmonie. Dans ce combat pour la libération de nos pays africains, il semble malheureusement que des Chefs d’Etat n’ont pas encore véritablement compris que nous sommes éternellement dans une concurrence, impitoyable, en dépit de tout ce qu’on peut avoir en commun comme contrat, comme partenariat. Dans ce combat pour la libération de nos peuples africains, il importe d’avoir un président qui ne se dispose pas à pactiser avec ses pairs africains fauteurs de troubles, déstabilisateurs de l’entente et de l’unité qui doivent prévaloir entre Africains. Dans ce combat, il nous faut surtout un homme courageux, capable de défendre nos intérêts sans le moindre complexe d’infériorité, d’égal à égal : Les puissances du Nord ont tout autant de besoin de l’Afrique. Car sans le courage, nous resterons honteusement aplatis, nous demeurons encore et pour toujours dans cette situation d’asservissement devant les grandes puissances, malgré tout ce dont la Nature nous a doté. On est vraiment libre qu’avec le courage ! Ce n’est pas moi qui le dis.

Avant de terminer, je voudrais qu’on retourne nos regards sur ce que la Rébellion – surtout – a occasionné ou empiré : pays coupé en deux, morts, violences, spoliation des biens, gabegie des deniers publics, avènement d’aventuriers incompétents à des postes clés, maintien des postes électifs à dix ans, enrichissement tous azimuts, paupérisation, fuite des cerveaux, fuite des investisseurs, perte des emplois, désespoir et souffrances atroces du peuple, insécurité, méfiance entre les Ivoiriens, etc. Il va falloir, pour rendre efficacement réalisable tout autre projet, remédier honnêtement à cela !

Tout en ayant foi que le deuxième tour se déroulera de la même façon que le premier, et même mieux : du déroulement du scrutin jusqu’à l’acceptation du résultat, en passant par des scores fiables et par la juste communication des procès-verbaux, j’ai voulu moi aussi, à ce stade important de l’Histoire de notre cher pays, vous faire part de ce à quoi je tiens : la quiétude sociale, socle sans lequel le prochain Président ne pourrait atteindre les objectifs de son projet national, de son ambitieux programme de gouvernement, pour nous tous. Certains dirigeants africains heureusement l’ont bien compris, et aujourd’hui la prospérité rayonne déjà à l’horizon de leurs pays pour le bonheur de leurs peuples. Pour permettre cela chez nous, il ne faut pas oublier ce passé douloureux de notre pays du fait des agissements des politiciens assoiffés de pouvoir, de ces éhontés vendeurs d’illusions dont le dessein, mesquin, ne compte plus que tout. Votre choix étant déterminant pour la destinée et l’avenir de notre Partie, il est judicieux de le porter sur le candidat que vous jugez le moins mauvais, au cas où vous croiriez vous trouver devant une telle situation, pour ne pas laisser passer… le pis ! Les exemples sont devant nous.

Blaise Ahua

Linguiste, écrivain

ahua.blaise@yahoo.fr

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Endnotes:
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