Françafrique, le feu dans la soupe !

by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 13 juin 2013 0 h 19 min

François Hollande a reçu mercredi dernier à Paris au siège de l’UNESCO, en présence d’une dizaine de Chefs d’Etat africains, le Prix Félix Houphouët-Boigny, pour sa “contribution considérable à la paix et à la stabilité en Afrique”, nous révèle l’agence de presse africaine.

Le prix pour la recherche de la paix est un prix ivoirien. Or lors de la cérémonie de remise du prix, certains regards critiques, au vu des photos et reportages de l’événement, ont décelé que les liens unissant naguère Paris et Abidjan s’étaient distendus. Ainsi, la photo souvenir des couples Ouattara et Hollande nous révèle des sourires gentillets ; mais à y regarder de plus près, madame Ouattara n’arbore pas le sourire éclatant de sa séance de pose avec Bill Clinton il y a trois semaines de cela. Ce dernier avait su la réjouir en la louant pour son abnégation et sa générosité (financées, rappelons-le, sur le trésor Ivoirien), et lui avait dit le plus grand bien de son génial économiste de mari. Mais sur la photo souvenir du 5 juin à l’Unesco, Madame Ouattara ne semble partager avec madame Trierweiler aucune affinité, si ce n’est la blondeur commune de leurs cheveux ! Elle, ordinairement tout sucre et béatitude sur les photos de la Présidence, fixe penaudement le sol, visiblement gênée, un peu absente… Ah, si la remise du prix avait eu lieu ne serait-ce que 48h plus tôt, comme elle aurait pu rayonner de bonheur et de confiance ! Fatou Bensouda, procureure à la Cour Pénale Internationale tenait encore les choses bien en main !

L’unique photo de groupe disponible permet de découvrir un Alassane Ouattara venu honorer son mentor français pour la circonstance, avec d’autres présidents africains. Il a fait un long et beau discours, charmeur, enjôleur, comme de coutume quand il est à l’étranger, lui le Président anticonstitutionnel de la république de Côte d’Ivoire et président en exercice de la CEDEAO; lui qui ne cesse de parcourir les océans et les terres à la recherche de fonds pour sauver “son” “cher” pays complètement en ruine, qui prend l’eau de partout et risque de mourir noyé si l’argent qui circule n’arrive pas à se stabiliser et travailler à colmater des brèches de plus en plus profondes.

Mais les apparences sont sauves : des poches d’un pays mis en banqueroute par ses soins diligents, l’illusionniste en Economie parvient à sortir, de sous le chapeau du “fonds ivoirien au nom de la Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny”, une valise de 150 000 Dollars pour honorer le chef d’état français. Sur l’unique photo présentant les huiles africaines autour du roi Hollande, notre Ivoirien d’importation n’est plus assis auprès de son maître ; il a eu son content de caresses et d’os à moëlle ! Il y a maintenant des toutous plus méritants que lui, assis plus près du chef, qui ont à leur tour besoin d’être dressés, à grand renfort de caresses dans le sens du poil : les vassaux du Bénin, du Tchad, du Burkina et de Mauritanie. Ouattara est assis plus loin, à côté du « Protecteur du Prix, l’ancien Président ivoirien, A.H.Konan Bédié »comme le souligne encore l’agence de presse africaine.

 

Bédié et son épouse ont eu droit à une photo de famille avec Hollande, flanqué de sa go, beaucoup plus chaleureuse. Autre détail révélateur : le patron du PDCI occupe durant la cérémonie un fauteuil de cuir, alors qu’Alassane, les roitelets, le Roi et la présidente de l’Unesco doivent se contenter du velours, « empire » certes, mais probablement moins confortable. Atmosphère fin de règne, velours rouge et fauteuils en cuir pour les perpétuateurs de la françafrique, et pourtant la galerie de photos de la cérémonie ne présente guère de visages heureux, joyeux… L’ombre du prisonnier de Scheveningen est parvenue à s’infiltrer jusque-là, alourdissant encore cette ambiance poussive et décadente : les économies occidentales sont à bout de souffle, et la paix est célébrée dans une atmosphère de chaos et de guerre partout dans le monde.

«Grâce à la politique d’ouverture, d’accueil et d’hospitalité de Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire peut légitimement s’enorgueillir d’être devenue les Etats-Unis d’Afrique en miniature, le « pays de la vraie fraternité » comme le proclame l’Abidjanaise, notre hymne national. » dira Ouattara dans son discours. Et le pyromane ADO de poursuivre la flatterie en direction du pompier Hollande, qui vient paraît-il de sauver le Mali, « Vous avez manifestement fait vôtre le proverbe africain qui dit que « si vous n’aidez pas votre voisin à éteindre le feu qui brûle sa case, la vôtre ne sera pas épargnée par les flammes » ».Quelle mascarade !

Le feu, on en parle beaucoup, il est très à la mode ! Il ya eu d’abord la supercherie des images kényanes brandies par la Procureure de la CPI, retirées en catimini, mais reprises il y a quelques jours pour la deuxième fois par « Le Patriote », la voix du régime ivoirien, pour enfoncer une fois de plus le président Gbagbo; Puis Le Patriote, ce torchon littéraire cracheur de feu continue sur sa lancée: voici que notre quotidien incendiaire titrait il y a quelques jours : « Libérer Gbagbo c’est brûler la Côte d’Ivoire ! ». Et aujourd’hui il remet le couvert en affichant sur sa manchette «FPI : ils veulent brûler le pays !» En d’autres termes, il faut que LG reste en prison, que la moitié de la population qui a voté pour lui reste muselée, aux arrêts parce que le « salut » de la Côte d’Ivoire et cette « paix » que tout le monde a chantée à Paris dans les locaux de l’Unesco sont à ce prix ! Il faut que le soi-disant pyromane d’avant le 11 avril donne au vrai pyromane l’occasion de louer le Pompier, encore et encore !

Koua Justin, arbitrairement incarcéré sans même une trace de mandat d’arrêt, a-t-il donc été surpris lors d’un meeting une boîte d’allumettes à la main, pour que ce régime aux abois en vienne à en recourir à de tels arguments ? L’implantation, au cœur des forêts classées de l’ouest ivoirien, de milices étrangères surarmées qui, avec l’aval du gouvernement et sous la supervision des forces françaises d’occupation, déforestent à grande échelle et commercialisent l’ivoire de contrebande, n’illustre-elle pas, parmi tant d’autres dénis de justice, la nature d’un régime  capable de mettre le feu SANS ALLUMETTES et de désertifier la Côte d’Ivoire en la bradant ? Et notre ministre de la communication Affoussiata Bamaba-Lamine qui s’inquiète le 6 juin de la violence verbale chez les jeunes : « Il faut, à travers l’école et les médias inculquer  à cette jeunesse la culture de la paix et de la non-violence », commente-t-elle. N’est-ce pas pathétique ? Les pères et les grands-pères «rattrapés» de cette jeunesse rebelle mais libre jouent aux allumettes à longueur de jour, et il faudrait qu’aux enfants des autres, de ceux qui sont morts, en exil, au cachot, ces jeunes sans emplois, sans argent pour étudier, on inculque encore la paix et la non violence par la terreur ? Comment un régime qui assassine, emprisonne et rançonne les gens, pourrait-il parler de paix et de non-violence ?

Et Alassane Ouattara de terminer ainsi son discours : « Nous réitérons notre ferme volonté de promouvoir, avec le concours de l’UNESCO et de la communauté internationale, la culture de la paix et du développement humain en Afrique et partout dans le monde. » La paix ne se cultive pas avec des semences OGM stériles, -comme celles dont Monsanto et ses acolytes sont en train d’inonder le pays – elle n’est pas le résultat d’un processus d’écrasement et d’anéantissement d’un faible par un plus fort épaulé par la dite « communauté internationale »! Avant de cultiver et de récolter, encore faut-il semer cette paix ! Une réconciliation vraie se bâtit à deux, les yeux dans les yeux, main dans la main, en marchant dans la même direction – ce qu’a toujours désiré le président Gbagbo ! –, mais sans que le charognard françafriconusien ne s’invite par la force dans le paysage! Une fois semé ce germe de paix, le développement de la plante ne peut qu’aller de soi si les bonnes conditions sont réunies : oxygène, lumière, eau. Ce n’est pas en asphyxiant les populations, en les emprisonnant dans de sombres cachots, en les exilant, en les privant de travail, de nourriture et de soins que le développement humain se fera !

Ce n’est pas pour rien que le judaïsme parle du « shelom bait », la paix du foyer (dans le couple) qui rejaillit sur la famille, sur l’entourage, puis, de proche en proche, de cercle en cercle. Et que dire du « développement humain » ? J’ai eu froid dans le dos en lisant cette phrase d’Alassane ou de son scribe français. L’humain est beau, crée à l’image de D.ieu, il peut se développer sainement dans une atmosphère saine où les lois des hommes sont en harmonies avec celles du Créateur, et cela quelque soient nos convictions religieuses. Même ceux qui l’appellent le Grand architecte ne diront pas le contraire ! Malheureusement, « Le prix de la recherche de la paix devient ainsi le prix de recherche de la guerre dans les mains d’une Françafrique à l’agonie. »écrit aujourd’hui le ministre Ahoua Don Mello. Le développement humain ne peut se concrétiser qu’à partir de semences de paix : or la bande à Ouattara, au fil de dix ans de rébellion et de deux années de dictature, n’a cessé de semer des graines de haine gratuite, « rattrapage » aidant.

ivoiriens de l'étranger [1]

Au lieu de provoquer incendie sur incendie,  “de brûler jusqu’aux cendres qui nous restent” comme l’écrit Eric Kahé, autre exilé sous le coup d’un mandat d’arrêt international – alors que ses dernières fonctions officielles aux côtés du Président Gbagbo remontent à 2005 !-, ne faudrait-il pas enfin se résoudre à observer les vents, à entendre les cris des agonisants, à ouvrir les yeux sur le désastre humain, l’économie en ruines, et prendre la mesure du feu qui couve! La couverture jetée pour étouffer toute velléité de révolte n’asphyxiera pas le feu, parce que sous la terre, c’est un volcan qui couve; un volcan ivoirien, africain. “Il y a mieux que la haine, c’est la nation” écrit encore cet ancien ministre de Laurent Gbagbo. Jusques à quand l’endurcissement du petit pharaon au service de la France pourra-t-il se développer sur ce terreau de haine? « La Côte d’Ivoire peut légitimement s’enorgueillir d’être devenue les Etats-Unis d’Afrique en miniature, le « pays de la vraie fraternité » Qui peut, sans frémir, accueillir cette phrase de la bouche de Ouattara ? La Côte d’Ivoire, ce désormais ancien phare économique de l’Afrique de l’Ouest, aujourd’hui supplanté par le Ghana, n’a nullement besoin d’un granguignolesque « Obama » local autoproclamé… Tout ce qui reste à Ouattara, en fait d' »Obama », ce sont des cendres au bas mot fumantes, qui ne devront qu’à de vrais gestes d’apaisement et de réconciliation de ne pas se retransformer en brasier au moindre coup de vent à venir ! Comment les membres d’un gouvernement responsable peuvent-il se comporter en loubards, sans foi ni loi? Comment une nation constituée d’hommes et de femmes, de vieux et de jeunes, de pauvres et de riches, d’instruits et d’analphabètes peut elle se construire quand on ne lui propose que la mort, l’exil, l’expropriation, la prison, le chômage? De quelle fraternité s’agit-il? Celle de quelques pseudo-élus africains, maniant la brosse à reluire pour cirer à domicile les pompes d’un roi de France qui avec son peuple se retrouvera bientôt nu, privé de cette couverture que L’Afrique aura enfin à son tour décidé de tirer à elle ?

« Il serait temps de rendre aux africains ce qu’on leur a pris pour éviter les convulsions à venir »: c’est en ces termes que Jacques Chirac s’exprimait lucidement il y a quelques années. A quoi bon trembler encore et se mettre au garde à vous devant une «françafrique à l’agonie»? Le vent tourne, amis ivoiriens et africains. Osez le respirer, l’entendre et déjà le voir à l’œuvre ! C’est maintenant le moment d’éteindre le feu, d’organiser ensemble cette noria de seaux remplis d’une eau capable, non seulement d’achever l’incendie, mais d’arroser la fragile semence d’une paix garantie sans « ingérence humanitaire » et sans « communauté internationale ». Pour qu’elle puisse à présent germer, cette semence, puis très bientôt lever, et permettre l’épanouissement d’une culture harmonieuse, prometteuse d’une moisson de vrais lendemains !

Shlomit Abel, 12 juin 2013

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Endnotes:
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