Etudiants ivoiriens au Maroc: Grands bosseurs … mais tapageurs nocturnes

by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 25 juin 2015 10 h 53 min

Ville située au cœur de la vallée du Saîss, nichée entre les Montagnes du Rif et du Moyen-Atlas, Fès est l’une des destinations prisées par les Ivoiriens qui se rendent dans le Royaume Chérifien pour des études. La quête du savoir ne se déroule pas toujours aisément pour ces étudiants. Qui pour la plupart sont à leur première expérience de vie à l’étranger.

 »Les Ivoiriens constituent la 2e communauté d’étudiants inscrits dans notre école. Ils étaient plus de 100 pour l’année universitaire écoulée. Ce qui représente plus de 20% de notre effectif global », a relevé le 28 mars dernier à Fès au Maroc, M. Abdesselam Erkik, président du réseau Sup Management.

En dehors de cette grande école supérieure privée, plusieurs autres telle que l’Esig compte une forte communauté d’Ivoiriens. Le président de la section Fès de l’Association des étudiants, élèves et stagiaires ivoiriens au Maroc (Aseesim), Adama Fofana, sans donner de chiffre exact, souligne qu’ils sont près de 200 à Fès et ses environs.

Bons résultats scolaires

Selon les différents responsables des écoles fréquentées, les étudiants ivoiriens se comportent très bien au niveau des études. ‘’Jusqu’à présent, ils ont de très bons résultats universitaires. J’espère que cela va continuer’’, indique M. Abdesselam Erkik. Avant de préciser que le petit fait constaté au niveau des étudiants ivoiriens, mais qui est aussi commun à tous les étudiants étrangers est l’absentéisme. Selon M. Erkik, « la  solution à ce problème a été d’intégrer l’absence au cour dans la formule des calculs de moyennes. C’est un succès ».

C’est aussi l’avis du président de l’Aseesim, section Fès qui est également inscrit en 4e année d’ingénierie informatique à Sup Management. Il soutient que plusieurs heures d’absences non justifiées peuvent sérieusement affecter vos résultats et vous faire reprendre votre année scolaire.

Nombre d’étudiants ivoiriens au Maroc expliquent le taux élevé de réussite par une pédagogie active et pragmatique des établissements supérieurs privés. « L’année dernière après les visites d’entreprises, je n’avais pas rendu à temps mon rapport. J’ai failli reprendre mon année pour cela. J’ai du plaider auprès du directeur des études afin d’aller en deuxième session pour présenter mes travaux. Alors que j’avais validé toutes les autres matières. J’avais même 12 de moyennes », souligne un étudiant de la 4e année en ingénierie sous le couvert de l’anonymat.

Le réseau Sup Management vient de mettre sur pied une fondation Euro-Africaine pour la recherche, la culture et l’éducation (Force). Cette structure parrainée par le Prince Michel Karathevsky et la Princesse Danuta Polanowsky, contribue à la promotion et à la consolidation des relations de coopération entre les pays africains. En clair, cette institution permettra de répondre au besoin de renforcement et d’élargissement de l’élan de solidarité entre ces pays et à la nécessité de développer de nouveaux espaces d’échanges et de réflexion.

La difficile intégration

Nombre d’étudiants vivant à Fès rencontrent d’énormes difficultés. Il s’agit en premier lieu du climat assez particulier du Maroc. En effet, ceux qui arrivent pour la première fois dans ce pays au climat méditerranéen, découvrent la variation soudaine de température. Surtout à Fès, cette ville située dans le Nord marocain où à certaine période de l’année, il fait très froid et d’autre très chaud.

« Ma première année à Fès fut très difficile en raison du climat. Je ne connaissais que le climat tropical humide de mon pays la Côte d’Ivoire. Au Maroc, il est possible de vivre au cours de la même journée les quatre saisons de l’année. A 7 heures du matin, il fait très froid. 2 heures plus tard il fait extrêmement chaud. A Fès, quand il fait froid c’est insupportable, et quand survint la chaleur, on se croirait dans un four ! Drôle de climat pour un nouvel arrivant ! C’était déprimant », confie Assane Idrissa, Secrétaire général de l’Aseesim.

L’autre difficulté que vivent les étudiants étrangers et particulièrement les Ivoiriens, est la difficile intégration dans la société arabe marocaine. En effet, il y a une différence de culture entre le peuple arabe à 100% musulman et les Ivoiriens qui viennent d’un pays Laïc où  presque tout est permis.

Dans tous les cas, certains étudiants ivoiriens ont oublié qu’ils sont à l’étranger et continuent de se comporter comme s’ils étaient toujours en Côte d’Ivoire. Outre des parties de beuverie aux sons de la musique tonitruante tard dans la nuit de façon répétée, ces étudiants se pavanent dans les rues de Fès avec des bouteilles d’alcool.

C’est que,  chaque semaine, lorsque des étudiants reçoivent de l’argent ou qu’ils reviennent du pays, ils donnent des réceptions les fins de semaines chez eux jusqu’au petit matin. Ils appellent cela la ‘’Godé Party’’. « Il fait frais et nous n’avons pas beaucoup de distraction ici. Nous ne pouvons que nous retrouver entre compatriotes pour prendre quelques verres. Nous ne buvons pas jusqu’à être ivres », souligne un étudiant ivoirien. Avant d’ajouter qu’ils ne font du mal à personne et qu’ils ne font que passer le temps.

Ce n’est pas l’avis de certains voisins marocains très à cheval sur la culture islamique. En effet, ils ont du mal à accepter que des personnes non musulmanes boivent chaque ‘’week-end’’ de l’alcool et qu’ils fassent du bruit. « Alors qu’eux, ils sont des ‘’couche-tôt’’ », relève M. Rachid Taoufik, un cadre marocain de Fès.

C’est qu’à Fès, il est rare de voir des personnes circuler dans les rues après 21h. De sorte que les taxis-compteurs roulent après cette heure à double tarif. En hiver, c’est à partir de 19h. Pour RachidTaoufik, le véritable problème c’est que certains parents marocains craignent que leurs enfants copient le comportement des jeunes ivoiriens qui est aux antipodes des leurs. Surtout qu’ils fréquentent pour la plupart les mêmes écoles et sont parfois des amis.

Certains Faissi (habitants de Fès) considèrent cette manière de vivre de certains étudiants ivoiriens comme de la défiance à « leur  religion et culture, surtout à Fès ».

M. Rachid tient à préciser que ce ne sont pas seulement les étudiants ivoiriens qui font du tapage nocturne. La communauté congolaise (Rdc) traîne aussi cette réputation.

Fès est considérée au Maroc comme la ville la plus religieuse du pays. Les populations sont très regardantes sur les pratiques qui ne sont pas conformes aux coutumes et prescriptions islamiques.

Ainsi, à plusieurs reprises « nous nous sommes retrouvés à la sûreté pour plaider pour nos camarades convoqués par les policiers du Royaume chérifien », explique le président des étudiants, élèves et stagiaires de Fès. Avant de souligner qu’il y a deux années de cela, les voisins arabes excédés par le comportement des étudiants ivoiriens logés dans un immeuble au quartier ‘’Mont Fleuri’’ ont attaqué l’immeuble. En effet, les voisins sortis en grand nombre ont encerclé le bâtiment.

Les étudiants pour éviter d’être pris à partie par la foule surexcitée, se sont réfugiés sur le toit de l’immeuble pendant des heures. Il a fallu l’intervention énergique des forces de l’ordre pour ramener le calme dans le quartier et éviter le pire.

En fait, il n’est pas interdit aux populations étrangères vivant à Fès de consommer de l’alcool. Les boissons alcoolisées allant de la bière, au vin en passant par la liqueur sont même vendues dans des supermarchés comme ‘’Marjane’’ la plus grande place de Fès. Seulement, « c’est le fait de s’exhiber dans la rue qui pose problème. Alors que c’est à ce jeu que se livrent certains étudiants subsahariens dont des Ivoiriens. Vous pouvez consommer votre breuvage à volonté. Mais chez vous où dans un endroit discret, loin des regards des Faissi », indique M. Nouredine Slimani, un Marocain installé dans le quartier Atlas.

Il soutient que dans la rue, si vous portez des bouteilles de boisson alcoolisée, il est certain que vous aurez du mal à être accepté par un chauffeur de taxi.

Il n’aura pas tort, le 28 mars dernier revenant du Supermarché ‘’Majarne’’, de l’autre bout de la ville, plusieurs chauffeurs de taxis ont refusé de nous prendre. Alors que ces taxis étaient vides. Ne comprenant pas la raison, mon ami marocain,  Ismaël, m’explique que c’est parce que j’avais un gros sachet noir en main.

Les taximens pensaient que je transportais de l’alcool que j’ai caché dans ce sachet sombre. Dès que j’ai sorti le contenu de mon sachet qui n’était en réalité que des boites de conserve et des cannettes de sucrerie, nous avons pu emprunter le prochain taxi pour le centre-ville.

Pour régler le problème de tapage nocturne qui concerne aussi tous les étudiants étrangers à Fès, les différents responsables des grandes écoles privées de formation ont commencé à mettre à la disposition de leurs étudiants des cités habitées uniquement par ceux-ci. L’objectif « est de concentrer nos étudiants dans un même endroit afin d’éviter les perpétuels problèmes de tapage nocturne. Vous savez, tous les étudiants du monde font du bruit. Cela n’est pas propre aux étudiants qui sont au Maroc », relativise un responsable d’établissement.

M. Abdesselam Erkik de Sup Management est de cet avis quand il relève que sa structure a loué un bâtiment pour loger ses étudiants. Il pense que ces derniers étant dans une cité universitaire n’auront pas à gêner les voisins. Mais va leur permettre de mieux étudier.

Les étudiants ivoiriens de Fès dont la plupart sont dans les écoles de l’Esig et Sup Management regagnent peu à peu ces cités universitaires que leurs écoles mettent à leur disposition.

Des étudiants en situation irrégulière

A Fès et dans tout le Royaume chérifien, certains étudiants ivoiriens vivent en situation irrégulière. Une fois entrés au Maroc, des étudiants oublient qu’il faut avoir une carte de ‘’séjour ’’ pour vivre sur une longue période dans ce pays.

En effet, pour rentrer sur le territoire du Royaume chérifien, il n‘est pas exigé de visa pour certains pays subsahariens. Il suffit de présenter au poste de contrôle de l’aéroport international de Casablanca son passeport valide ivoirien et une attestation d’inscription dans une école marocaine.

Ce que nombre d’étudiants ivoiriens oublient où négligent c’est que le détenteur du passeport ivoirien ne peut que séjourner sur une période continue de 3 mois au Maroc sans visas. Après ce délai, il est obligatoire d’avoir une carte de séjour d’un an renouvelable pour les étudiants.

Pour l’obtention de la carte de séjour marocain, il est demandé aux étudiants une attestation d’inscription dans une école marocaine, un contrat de bail, une attestation de prise en charge légalisée et contresignée par l’Ambassade de Côte d’Ivoire à Rabat et deux photos d’identité, plus une somme de 60 Dirham pour le timbre (environ 3575 Fcfa).

« Lorsque vous déposez vos dossiers à la sûreté, vous avez votre récépissé  dans trois jours. En attendant de récupérer votre carte de séjour dans 3 mois.  A partir de ce moment, vous êtes couverts et à l’abri de beaucoup de problèmes », explique Doumbia Issa, étudiant en 2e année en Management à l’Esig. Avant de préciser que chaque année, sa structure dont l’un des objectifs est d’aider les étudiants ivoiriens à être en règle vis-à-vis de l’administration marocaine, passe dans les écoles et dans les habitations où logent leurs compatriotes pour les sensibiliser à la nécessité de faire vite la carte de séjour.

ivoiriens de l'étranger [1]

« Souvent,nous faisons du porte-à-porte afin de récupérer les documents pour les aider à déposer à la sûreté. Mais il faut avouer qu’ils ne sont pas nombreux à s’exécuter », ajoute Assane Idrissa, le secrétaire général de l’Aseesim.

Ainsi, une fois sur le territoire marocain, des étudiants ivoiriens, certains par négligence ne se mettent pas à jour vis-à-vis de la sûreté nationale. Et comme ils peuvent se rendre à l’école et circuler dans la ville sans difficulté, ils ne voient pas les jours passer. Jusqu’au jour où ils se retrouvent dans une situation où la police  leur demande le passeport. « C’est là qu’ils découvrent qu’ils sont en situation irrégulière au Maroc »,  raconte un policier marocain.

Conséquence, ils se retrouvent en situation irrégulière avec tous les désagréments liés à cette situation. Les étudiants de Fès n’hésitent pas à raconter la mésaventure d’un dès leur qui l’année universitaire écoulée a été arrêté par la police. Alors qu’il n’avait pas en sa possession sa carte de séjour.

Après un procès en arabe devant une juridiction de Fès, il s’est retrouvé dans le désert d’Oujda à la frontière entre le Maroc et l’Algérie. En fait, il a été expulsé du pays. C’est grâce à une action conjuguée des autorités consulaires ivoiriennes, ses parents et l’association des étudiants qu’il a pu se sortir de cette situation.

C’est qu’en cas de séjour irrégulier, le fautif est passible d’une peine d’un mois de prison suivie d’une amende. Il est par la suite reconduit à la frontière entre le Maroc et l’Algérie séparée par un désert.

Selon les policiers de Fès, c’est au cours du mois de juin qu’ils reçoivent le plus de dossiers de demande de carte de séjour des étudiants en général. « Alors qu’ils sont dans le pays depuis plus de 6 mois », indiquent-ils.

En effet, les anciens étudiants de Fès expliquent que,  c’est au cours du mois de juin qu’ils se bousculent à la sûreté parce que c’est à cette période que la police intensifie le contrôle des cartes de séjour.

En plus, voulant rentrer au pays pour les vacances de fin d’année, ils ont nécessairement besoin du précieux papier pour le contrôle de la police d’immigration à l’aéroport.  « Faute de carte de séjour en règle, beaucoup d’étudiants étrangers ne peuvent pas rentrer chez  eux pendant les vacances. Si la police vous contrôle à l’aéroport vous allez expliquer comment vous avez fait pour séjourner pendant 9 mois au Maroc sans carte de séjour. »

Une association au secours des nouveaux étudiants

Il existe à Fès une organisation des étudiants ivoiriens. Il s’agit d’une section de l’association des étudiants, élèves et stagiaires du Maroc (Aseesim) dont le président central est M. Ballo Daouda.

La structure de Fès et ses environs est dirigée par Fofana Adama, il est étudiant en 4e année d’ingénierie informatique à l’école Sup Management. Selon le président, l’existence de l’Aseesim remonte à plus d’une dizaine d’années. Son objectif est de créer une relation de fraternité et d’entraide entre les ivoiriens au Maroc. « C’est notre façon à nous aussi de faire la promotion de la culture ivoirienne », précise Fofana Adama.

Dans le cadre de ses activités, l’association aide les nouveaux étudiants à s’installer et à se mettre à jour, vis-à-vis de l’administration marocaine.

Pour mieux aider les nouveaux étudiants qui arrivent, l’Aseesim souhaite que depuis le pays,  les parents rentrent en contact avec le bureau. De sorte « que nous puissions aller chercher nos jeunes frères à Casablanca et les guider », indique-t-il .

Selon le président de l’association, très souvent des étudiants qui arrivent pour la première fois se retrouvent à passer la nuit à l’aéroport de Casablanca. Et ce,  parce qu’ils n’ont pas pu rentrer en contact avec leurs correspondants à temps.

Il explique aussi que par ignorance, des étudiants sont refoulés à l’aéroport de Casablanca par la police d’immigration. En effet, certains étudiants régulièrement inscrits dans les écoles marocaines n’arrivent pas à présenter aux postes de contrôle des frontières, les attestations d’inscription dans les écoles du Royaume chérifien  à la police.

« Tout simplement  parce que ne les jugeant pas nécessaires, ils les laissent à Abidjan. Si les étudiants sont informés d’avance sur cette situation, ils peuvent éviter beaucoup de désagréments »,  explique Fofana Adama.

Pour lui, il s’agit simplement d’informer les écoles des étudiants afin qu’elles faxent aux policiers une copie de l’attestation. Au lieu de retourner à Abidjan pour les chercher. Avec ce que cela entraîne comme préjudice financier. « Il faut que les parents restent en constante relation avec nous pour avoir les nouvelles et suivre le comportement de leurs enfants ici à Fès », a conclu M. Fofana.

Théodore Kouadio
Envoyé spécial Fratmat à Fès au Maroc

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Endnotes:
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